Médecine esthétique : la Fabrique à complexes des réseaux sociaux

Botox, lifting, acide hyaluronique, ces termes vous les connaissez peut-être déjà, et pour cause, la Médecine esthétique intéresse de plus en plus. Ce marché est en constante croissance, et l’arrivée du réseau social Instagram en 2010 n’y est pas pour rien. Cette semaine, la rédaction vous propose de vous glisser dans les coulisses de la course au bistouri à travers le prisme des réseaux sociaux.

L’existence de la médecine esthétique remonte à l’Antiquité, à – 3000 av. JC où les archéologues ont retrouvé des preuves de rhinoplasties. Une momie datée de – 400 av. JC a pu prouver que les Égyptiennes se faisaient même recoller les oreilles. Dans le Sushruta Samhita, traité indien de médecine, de nombreuses techniques de chirurgie réparatrice ont été retrouvées notamment pour les doigts ou nez coupés, châtiment régulièrement appliqué pour les voleurs ou les adultères.  

La Chirurgie réparatrice, prémices de la Médecine esthétique

Durant l’Antiquité, la rhinoplastie va être la pratique phare de la chirurgie esthétique, puisque des Grecs, aux Romains en passant par le Moyen Orient, tout le monde veut réparer son nez. En effet, c’est à l’ère byzantine, dès les premiers siècles après J.C, qu’on va découvrir la chirurgie réparatrice pour s’occuper des becs de lièvres ou des paupières tombantes. 

Évidemment, pendant toute l’époque du Moyen Âge, l’avancée de la médecine va tourner au ralenti à cause du véto de l’Église catholique. Il est alors interdit d’utiliser ou de manipuler le corps humain. Par conséquent, toute modification du corps quelle qu’elle soit est prescrite. 

Au début de la Renaissance, le premier Traité de chirurgie va voir le jour grâce à Gaspare Tagliacozzi, un pionnier en matière d’anatomie. Il va révolutionner à lui-seul la chirurgie réparatrice, à tel point que sa technique de la greffe italienne sera utilisée jusqu’à la première guerre mondiale. Cette pratique consiste à détacher un morceau de peau sans le couper définitivement et de le relier à la partie du corps qu’on souhaite greffer, ainsi au bout d’une vingtaine de jours, une fois le réseau sanguin à nouveau établi, on coupe le lambeau de chair. Cette technique va particulièrement être utilisée pour réparer le nez soit coupé, cassé ou endommagé par la syphilis. 

En effet, c’est à ce moment de l’Histoire que les premières rhinoplasties telles qu’on les connaît maintenant vont naître. En France et aux États-Unis, les chirurgies de l’abdomen ainsi que les réductions mammaires sont également testées. 

XXe siècle : Naissance de la médecine esthétique

Évidemment, la Première Guerre mondiale et ses gueules cassées vont permettre une avancée phénoménale en matière de chirurgie esthétique : les médecins de l’époque vont mettre un point d’honneur à donner le “droit d’avoir une apparence humaine”. Le grand chirurgien-plasticien Jack Penn a écrit un livre,The right to look human, sur ses travaux et avancées à ce sujet. Les hémorragies et les infections sont mieux traitées, les conditions d’opérations et de guérisons sont nettement améliorées, ce qui donnera un point de vue plus positif de la médecine esthétique.

C’est à partir de là que les premiers liftings et augmentations mammaires vont être effectués. Les médecins vont chercher à combler les rides puisqu’on commence à mettre en place des normes de beauté, particulièrement à travers les médias. Les premiers essais ne seront pas très concluants : les injections de vaseline et de paraffine vont déformer le visage, et non le repulper. 

Le XXIe siècle : Une pratique en croissance

Au début des années 2000, le nombre de patients a augmenté de 50% et c’est un chiffre qui continue encore de grimper. Il y a deux ans, on estimait la progression de l’esthétique médicale à 7% par an. L’arrivée des réseaux sociaux a multiplié la recherche du corps parfait et par conséquent à intensifier le fameux mythe de la fontaine de jouvence. Pour beaucoup, la solution se trouve entre les mains des chirurgien.ne.s plasticien.ne.s. 

L’Asie pacifique est le deuxième pays où la chirurgie esthétique est la plus pratiquée après les États-Unis, eux représentent la moitié du marché. L’Europe, elle, arrive en troisième place. Pour ce qui est de la population, on note deux tranches d’âge bien distinctes. Les 19-34 ans sont les premiers utilisateurs de la médecine esthétique, particulièrement au niveau des actes chirurgicaux. Ensuite, ce sont les 34-50 ans qui eux choisissent plutôt les traitements préventifs ou les actes non-invasifs comme les injections. 

La première opération effectuée pour le corps, avec un taux de 26%, est l’augmentation mammaire, suivie de la liposuccion avec 25%, puis de l’abdominoplastie à 13%. Pour ce qui est de la chirurgie faciale, c’est la correction des paupières qui est la plus fréquente pour 31% des interventions, à la deuxième place, c’est la rhinoplastie à 20% et enfin le transfert de graisse sur le visage avec 13%. On note depuis un an, une nette augmentation des demandes de “Russian Lips”. L’idée d’injections d’acide hyaluronique pour grossir sa bouche émerge parfois dès l’adolescence. Les célébrités influencent particulièrement le monde des réseaux sociaux. Elles ont permis à Instagram et Snapchat de lancer des filtres, et d’être à l’origine de ces transformations. 

Les réseaux sociaux : la fabrique aux complexes

Lorsque le réseau social de l’image, Instagram, fait son arrivée sur la toile et sur nos téléphones, il propulse le culte de la beauté au premier rang des préoccupations sociétales. Les spécialistes parlent alors de Dysmorphobie : c’est-à-dire la préoccupation d’un ou plusieurs complexes de l’apparence physique. Ils sont en réalité légers, voire inexistants, mais cela affecte le comportement et entraîne de la souffrance. La finesse du visages, l’unicité de la peau, et se sont ces critères qui obsèdent les plus jeunes. Ils n’hésitent pas à avoir recours au laser ou à la lumière pulsée pour obtenir une peau plus lisse, sans défaut.

Un article dans le magazine Forbes, démontrait en 2019, par la mention de divers magazines de psychologie, qu’il y a un réel lien entre les filtres des réseaux sociaux et la hausse des opérations chirurgicales. Une enquête menée par l’American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgery révélait en 2017 que 55% des chirurgiens plasticiens avaient déjà examiné un patient souhaitant améliorer ses selfies grâce à une opération de médecine esthétique. 

Pourtant, il y a déjà 3 ans, la politique des filtres Instagram changeait et le réseau social annonçait l’interdiction des filtres aux effets types “chirurgie esthétique”. Une décision ayant pour objectif de diminuer cette tendance et de pallier aux effets néfastes des filtres et d’Instagram.

« ...la fréquence d’utilisation d’Instagram est corrélée aux symptômes dépressifs, à l’estime de soi, à l’anxiété sur son apparence physique et générale et à l’insatisfaction à l’égard de son corps »

Psychology of Popular Media Culture 

Vous l’aurez compris, ce marché qui a rapporté 10,9 milliards d’euros en 2019, et 11,8 en 2020, n’est pas près de s’arrêter. Toutefois, les mouvements véhiculés par les hashtags sur les réseaux sociaux permettent d’alerter les utilisateurs sur leurs effets secondaires négatifs. Les influenceur.euse.s Body Positives permettent de s’accepter et de lutter contre cette envie d’améliorations permanentes.

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